Insularis - Théâtre de Henry Le Bal - Extraits...

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Insularis. Acte I. Scène I.

 

Un bureau, une bibliothèque bien fournie, et des oiseaux rares empaillés. Les oiseaux peuvent être plus ou moins, d’espèces existantes ou ayant existés. Ils doivent donner l’idée de spécimens disparus ou en voie de disparition. Le bureau fait face à la scène.

Lorsque le personnage est assis, les oiseaux sont disposés ainsi :

L’Émeu est devant le bureau, à gauche du personnage ;

La Chevêche, sur un perchoir, derrière la chaise où il est assis ;

Sur le bureau, à sa droite, un ara ;

Placés de chaque côté d’une table à droite du bureau, sur laquelle est placé un échiquier avec de hautes et belles pièces, un Calao et un Kagou ;

Derrière le bureau, à sa gauche, juste à côté de la porte, fixé à un pan de la bibliothèque, un pic à bec d’ivoire ;

Enfin devant le bureau, sur un socle, un paradisier.

Le personnage entre dans son bureau, un livre blanc à la main, et s’installe à sa table de travail. Il est vêtu d’un gilet de grosse laine, couvrant un gilet de velours, chemise et foulard de soie. Il sort de ses poches plusieurs petites bouteilles d’encre de diverses couleurs, une petite boîte de plumes et un porte-plume en bois. Il pose une plume à son porte-plume et teste sur une feuille prise d’une ramette, les différentes couleurs d’encre.

Le personnage fume la pipe. Il l’allume sans cesse, la cure, il ne la quitte jamais. Plusieurs pipes dans un pot, à son bureau. Plusieurs paquets de tabac aussi. Enfin tout un jeu autour de la pipe et des cigarettes. On entendra sans cesse des bruits de vents plus ou moins forts et des sons de la pluie giflant les volets.

 

Commencer à noter tout ça.

Nouveau carnet de bord.

Après les carnets de la grande braco, celui de cette tempête.

Commencer.

Et d’abord revenir au début.

Commencer par « quand ?» 

Établir clairement le point de départ de toute cette histoire.

Voyons voir.

Remonter le cours du temps.

Le naufrage. Voilà, tout a commencé avec le naufrage.

Partir de là.

Il met des lunettes. Il ne les portera que pour écrire. Il s’apprête à commencer la rédaction de son journal de bord, puis les retire.

Quand ?

Bon hier dernier appel téléphonique avant la rupture du réseau.

Message laissé par mon éditeur pour savoir quand j’aurai fini le bouquin. Vraiment pas la tête à ça. Va malgré tout falloir que je m’y mette. Verrai plus tard.

Pourtant c’est un beau sujet. Mon premier livre sur un scientifique. Un savant et sa découverte. Des sportifs, des vedettes du ciné et de la chansonnette, des politiques, des people, et même un tueur en série, c’est pas les vies qui manquent à un nègre. Le nombre de gens qui ne savent pas écrire… C’est ça nègre, raconter des vies. Combien de bouquins ai-je écrits ? Nègre. Écrire pour que ce soit facile à lire. Jamais mon nom sur la couverture mais je ne me plains pas. Ça m’assure ma sécu et mes côtises pour la retraite. Braconnier au long cours ce n’est pas un métier. Deux trois safaris et grandes pêches par an pour le pognon et le shakawak, et des trucs de nègre pour la couverture sociale.

Pour une fois que je fais ça pour un savant, pas la tête à m’y mettre. Chouette sujet pourtant la découverte des ossements de celui qui fut le premier homme de cette planète. Plus vieux que tout ce qu’on a découvert avant.

Bon, donc hier…

Avant-hier maintenant. L’île entièrement entourée par la marée noire. Plus aucune côte, plus aucune crique ou anse épargnée. Ramassé sur la plage les premiers oiseaux mazoutés.

Il s’adresse à ses oiseaux empaillés :

Vous ne pouvez pas savoir mes oiseaux ce que c’est que de tenir deux petits yeux et un bec grand ouvert qui cherche en vain à avoir de l’air. Tenu ça dans mes bras.

Avant-hier…

Bon, avant avant-hier ? Ah oui, la panne de courant. Rupture de l’alimentation. Tout à l’électrogène à partir de maintenant. Économiser la lumière. La lumière au moment où le ciel n’a jamais été aussi noir. La nuit, et pendant la journée, ce nuage épais et noir d’où toute la flotte du ciel semble vous tomber dessus.

Oui, la panne de courant.

Bien, et le jour d’avant ?

Pas simple de dater à l’envers. Ah si, bien sûr, l’arbre du jardin abattu par le vent. Enfin quand je dis le vent… Un vrai typhon, un cyclone, un ouragan. Un vent comme jamais, jamais connu ici avant. Le dernier arbre de l’île. Déraciné. Arraché de la terre. D’accord, une île plein ouest y a jamais eu beaucoup d’arbres, ce ne sont pas les tempêtes qui manquent. Mais lui, le dernier, une vraie furie ce vent.

Bon, et avant ?  Le jour d’avant le dernier arbre ? Ah si, ce visuel effrayant de la marée noire qui approchait de l’île. Cette masse qui avançait, et cette pluie qui tombait et tombait. La masse noire nous venant dessus et au-dessus ce ciel sombre qui a commencé à pleuvoir à verse froide. Quel visuel ! J’étais sur la digue du port. C’était le lendemain.

Eh oui, le lendemain du naufrage. L’échouage du pétrolier à l’entrée du goulet du continent. Fracassé sur les côtes par le début de la tempête. Aux jumelles, une carcasse de bestiole d’acier éventrée contre les récifs. Le ventre à l’air et les entrailles de fuel qui se répandent. Le premier jour.

Donc, si je raconte à partir d’aujourd’hui… 1, 2, 3, 4, 5, 6, … donc aujourd’hui 7ème jour. Voilà. On peut commencer.

Journal de la tempête.

7ème jour.

 

La lumière baisse progressivement.

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